La photo du jour - 30.
Une photo de vacances 3° couche
Je n’en bois plus, ou presque, mais mes amis l’ignorent.
J’aime encore sa lumière d’or avec les glaçons
qui flottent à la surface. Mais les étoiles qu’il
projette dans ma tête ne sont plus les mêmes.
Est-ce parce que nous nous sommes trop connus ?
Ou le climat trop familial qui règne dans cette villa ?
C’était il y a longtemps et je suis bien ici. Il y a trop
de vent et ce soir nous dînons sur le petit balcon
avec la vue sur le jardin, un peu abandonné.
L’olivier qu’on s’attend d’année en année
à voir mourir avec ses jambes de damné et ses fruits noirs
minuscules qu’il crache sur la dalle de la terrasse
a toujours la pêche en réalité. Il a vu crever
les grands parents, il verra crever les parents
et nous aussi, sans doute. Les lauriers mal taillés
diffusent des fleurs d’un rose épuisé et le citronnier
est à l’agonie sur une pelouse jaunie d’improbables herbes.
Les gabians croisent le carré avec un cri sinistre.
Ils sont nombreux à l’intérieur des terres. Le goût
des poubelles, on suppose. Au deuxième verre on oublie.
On mange du melon, des tomates, des choses fraîches
en général. Demain on ne sait pas ce qu’on fera, mais
je m’en fiche, j’ai juste un petit peu sommeil et je retrouve
avec plaisir, au sous sol, la chambre de l’ami.
Avec le temps, c’est presque devenu la mienne. Il y a sur
les murs des photos du carnaval de Venise. Au début, j’avoue,
j’appréciais peu ces masques et ces costumes somptuaires,
et puis certains se sont mis à me causer et ça va
entre nous maintenant. La chambre est jaune et blanche
avec un plafond curieusement ondulé. Il y a la télé
qui permet de voit TF1 quand on prend la patience
de régler l’antenne. Mais pas ce soir, pitié,
je suis en vacances. D’ailleurs je suis incapable
d’attention, même la plus bête, et la route
entre les montagnes et les pousse-au-cul m’a mis sur les rotules.
C’est le compagnon d’or qui me berce à nouveau.